-
-
- Prié de délibérer sur l'adoption du projet et de voter les voies
et moyens nécessaires, le Conseil municipal prit les décisions
suivantes :
- " 1° – Adopte l'ensemble dudit projet et considérant que
l'adduction & la distribution des eaux forment la partie la plus
importante des travaux ; délibère qu'il y a lieu d'ajourner
l'exécution de la première partie (Barrage des Piròu) qui demeure
adoptée dans son principe ;
- 2° – Relativement aux voies et moyens, attendu que la ville n'est
pas en état de supporter la totalité de la dépense présumée (12
600 francs) à cause de sa situation financière ; délibère que 4 382
francs 17 centimes seront à la charge de la commune .....
- Pour le surplus, soit 8 217 francs 83 centimes, prie le Conseil
Général du département des Bouches-du-Rhône de vouloir bien
accorder à la commune une subvention de pareille somme. "
- La subvention fut obtenue et inscrite au budget dans la séance du
30-05-1884 (D88, p.43). Entre temps, les travaux avaient été adjugés
à Simon Mauron, Me maçon, le 27-02-1884 (D83, N°33) mais les
terrains nécessaires au passage de l'aqueduc ne furent acquis que le
11-08-1884, par actes de cession amiable (D83, N°34, 35 et 36).
- Un plan (ci-joint) montre le tracé de l'aqueduc et de la galerie de
captation qui monte jusqu'à l'entrée de la gorge des Peiròu. Cette
galerie est encore visible avec ses regards.
- Les vendeurs étaient Jean et Catherine Vidau, Rose Ayme et
Pierre-Hippolyte Gros, et Jean Lillamand.
- L'aqueduc ne fut pas terminé en 1884 et l'on dut reporter à 1885
(séance du conseil du 03-02-1885, D88, p.83) les sommes non utilisées
en 1884, savoir :
- 2 361,11 francs sur les 9 217,83 francs de la subvention
départementale et 3 572,17 francs sur les 3 626,17 francs votés par
la commune,
- " afin (dit le procès-verbal de la séance) que les dépenses
puissent être ordonnancées au fur et à mesure de l'exécution des
travaux. "
- Le restant des travaux fut rapidement exécuté puisque dans la
séance du Conseil du 10-03-1885 (D88, p.93), qui mérite d'être
citée intégralement:
- " M. le maire-président (Emile Daillan) expose au Conseil que
les travaux d'adduction d'eau potable dans les fontaines publiques de
la ville viennent d'être terminés et ont produit un heureux
résultat. Il lui soumet ensuite le projet de captation du complément
d'eau nécessaire (Barrage de la gorge des Piròu). Il rappelle la
délibération du 26-08-1883, par laquelle le Conseil adoptant en
principe le projet de construction du barrage, en ajournait
l'exécution comme étant d'une utilité moins immédiate, quoique
aussi reconnue. Le devis, ajoute M. le maire, s'élève à la somme de
10 400 francs. Veuillez Messieurs, délibérer sur la question de
savoir s'il y a lieu d'exécuter ou d'ajourner le projet, et dans le
premier cas, voter les voies et moyens nécessaires pour faire face à
la dépense.
- Le Conseil municipal, ouï M. le Maire-président, vu les plans et
devis dressés par Messieurs les Ingénieurs des Ponts et Chaussées,
vu la délibération du 26-08-1883, considérant que l'exécution du
projet qui lui est soumis est le complément indispensable de la partie
terminée ; considérant qu'elle est d'une utilité générale
évidente, pour plusieurs raisons, dont les principales sont les
suivantes :
- 1° – d'assurer l'alimentation des fontaines publiques pendant la
saison d'été, but qui ne peut être atteint qu'imparfaitement par la
construction de la conduite, ainsi que l'ont d'ailleurs prévu les
auteurs du projet ;
- 2° – de retenir dans la gorge des Piròu les eaux pluviales qui se
précipitent avec impétuosité dans le ravin de Jonquerolles, rongent
sur tout leur parcours les terres riveraines (à tel point
qu'aujourd'hui la largeur du lit de ce ravin excède cent mètres à
certains endroits) et constituent pour les propriétaires et les
fermiers une menace continuelle de dégradation, menace qui disparaitra
complétement le jour où le barrage étant construit, le régime
torrentiel du bassin de Jonquerolles sera régularisé ;
- 3° – de faire cesser le fâcheux état de choses qui résulte, pour
l'association des Vidanges du Vigueyrat, de l'introduction dans ses
canaux de desséchement, des eaux limoneuses et chargées de gravier,
qu'amène le torrent de Jonquerolles en temps d'orage, et qui a pour
effet d'obliger cette association à des curages fréquents et
dispendieux.
- Après mûre délibération :
- 1° –- décide qu'il y a lieu d'établir le barrage de la gorge des
Piròu ;
- 2° – relativement au paiement, vote une somme de 5 200 francs,
représentant la moitié de la dépense, à prévoir au budget de
l'exercice 1886.
- Pour le complément de la dépense, vu la situation budgétaire de la
ville, qui ne lui permet pas de faire des sacrifices plus
considérables, vu le caractère d'utilité générale que revêt le
projet en question ; prie le gouvernement de vouloir bien intervenir
dans la proportion de deux sixièmes, soit 3 466 francs 67 centimes, et
le département des Bouches du Rhône dans la proportion du sixième,
soit 1 733 francs 33 centimes. "
-
- La dépense est un peu moins importante que pour la première tranche
des travaux : 10 400 francs contre 12 600, mais les arguments relatifs
aux inondations chroniques du gaudre des Piròu en temps d'orage ont
leur poids vis à vis du Ministère de l'Agriculture qui est ainsi
sollicité pour une subvention.
-
- La méthode est avantageuse mais n'est pas sans inconvénients. Le
ministère est sensible aux arguments et accordera la subvention
demandée (qu'il arrondit à 3 500 francs) mais s'empare du projet et y
ajoute son grain de sel.
-
- Résultat : dans la séance du Conseil du 18-11-1886 (D88, p.199), le
maire annonce :
-
- "... le projet primitif, sur les instructions de Monsieur le
Ministre de l'Agriculture, a été modifié par Messieurs les
Ingénieurs ; le montant des travaux, y compris l'achat des terrains et
une somme à valoir pour dépenses imprévues, s'élève à 16 500
francs. "
-
- Le nouveau projet est néanmoins adopté, mais il faut faire face à
l'exédent de dépense que comporte le devis, soit 6 100 francs.
- " Aussi, le Conseil sollicite du Conseil Général du
département des Bouches du Rhône, une subvention de 6 100 francs en
vue de compléter la dépense reconnue nécessaire, que comporte
l'exécution du projet qui vient de lui être soumis. "
-
- Il n'en obtint que 3 500 francs !
-
- Mais les malheurs ne viennent jamais seuls. Pour construire, il
fallait être maître des lieux et des terres inondables par la retenue
des eaux.
- Cela nécessitait l'acquisition de 1 hectare, 79 ares, 89 centiares de
terrain ou rocher, appartenant à la veuve Gros, née Deville,
propriétaire domiciliée à Saint Remy. Elle refusait d'accepter
l'offre, qualifiée de très raisonnable, qui lui avait été faite par
la ville, d'une indemnité de 2 000 francs pour cette cession et en
réclamait 10 000 francs.
- Il fallait faire une expertise et recourir à l'expropriation. Tout
cela demandait du temps, pendant lequel un nouveau Ministre de
l'Agriculture supprima la subvention accordée par son prédécesseur
en invoquant une diminution de crédits qui ne lui permettait pas de
bloquer des fonds pour des travaux dont la date était incertaine.
- Heureusement, il ne fermait pas la porte à une nouvelle demande
étayée par une réalisation à court délai.
-
- Finalement, devant la menace d'expropriation, la veuve Gros fit savoir
au maire qu'elle transigeait pour 2 500 francs (séance du 01-04-1890,
D88, p.389) et un acte de promesse de vente fut signé par devant Me
Albert Blanc, notaire à Saint Remy le 08-04-1890.
-
- Le Conseil pouvait alors renouveler dans sa séance du 27-05-1890, sa
demande de subvention au Ministre de l'Agriculture et fixer ses
ressources pour subvenir aux dépenses de la construction du barrage
des Piròu de la façon suivante :
-
- " La dépense, fixée par le projet à 16 500 francs, s'élèvera
à 17 500 francs, par suite de la majoration du prix du terrain, qui,
aux termes de la promesse de vente, est de 2 500 francs au lieu de 1
500 francs, chiffre prévu par les Ingénieurs.
- Il y sera pourvu ainsi qu'il suit :
-
- 1° – Subvention sollicitée de l'Etat 3 500,00
- 2° – Subvention du département, accordée le 20-08-1885 1 733,33
- 3° – Subvention du département, accordée le 25-04-1887 3 500,00
- 4° – Contingent voté par la ville le 15-06-1886 3 000,00
- 5° – Contingent voté par la ville le 02-06-1887 2 166,67
- 6° – Contingent voté par la ville le 02-07-1889 2 600,00
- –––––––
- Total : 16 500,00
-
- Le déficit, soit 1 000 francs, sera voté ultérieurement au budget
municipal. "
-
- La ville intervenait donc pour 8 766,67 francs et obtenait 8 733,33
francs de subvention pour un coût global de 17 500 francs.
- La commune ne pouvait prendre possession des terrains que du jour où
la promesse de vente serait transformée en acte définitif.
- Cela n'eut lieu que le 18-10-1890, toujours devant Me Albert Blanc,
car entre temps, la Dame Elisabeth Deville, héritière testamentaire
de son feu mari Jean-Pierre Gros, avait vendu ses biens du vallon, dit
de Gros, à Bruno Charrin, maréchal-ferrant, époux de sa nièce
Antoinette-Elisabeth Deville. Et, ce furent donc les époux
Charrin-Deville qui signèrent l'acte de vente avec le Maire, Emile
Daillan. L'acte fut ratifié par le Conseil municipal dans sa séance
du 12-02-1891 (D89, p.37) et la voie était enfin libre pour l'éxécution
des travaux, qui durèrent, comme nous l'avons déjà vu, jusqu'au
mercredi 7 octobre 1891, date de la pose de la dernière pierre.
-
- Les travaux avaient pour maître d'œuvre le Service des Ponts et
Chaussées d'Arles et avaient été adjugés au Sieur Paul Bertrand,
entrepreneur. C'est sans doute la raison pour laquelle nous n'avons pu
trouver ni plans ni devis du barrage dans les archives communales.
-
- Cependant, tout n'était pas terminé. En effet, une lettre datée
d'Arles, du 24-09-1891, et signée de l'Ingénieur des Ponts et
Chaussées, fait part de sa gestion des travaux et des résultats
obtenus qui se soldent par une économie de 2 676 francs 15 centimes,
qu'il propose de dépenser :
- "... d'une manière très profitable à la commune. "
- Et il ajoute :
-
- " Dans ce but, j'ai l'honneur de vous proposer de faire à
l'entrée de la gorge des Piròu un second barrage analogue au premier,
mais de 5 m.50 de hauteur seulement. Cet ouvrage supplémentaire aurait
les avantages suivants :
- 1° – augmenter le cube de l'eau qu'il est possible d'emmagasiner;
- 2° – barrer l'entrée de la gorge et y empêcher le dépôt
d'ordures pouvant contaminer les eaux;
- 3° – diminuer la distance à parcourir du barrage jusqu'à
l'origine de la conduite d'adduction des eaux, distance sur laquelle
les eaux courent dans le ruisseau, en plein air et sont exposées à
être salies.
- Je vous adresse ci-joint le projet d'exécution de ce second barrage
avec une estimation égale aux fonds disponibles. J'espère que vous
voudrez bien approuver ma proposition et je vous prie de vouloir bien,
par une lettre et sans retard, nous autoriser à commencer les travaux
que l'entrepreneur exécuterait immédiatement. "
- Le Conseil municipal approuva le projet dans sa séance du 10-10-1891
(D89, p.80) et décida qu'il serait pourvu à la dépense au moyen de
l'économie sur le montant du premier barrage et que les travaux
seraient exécutés par l'adjudicataire du premier projet, le Sieur
Paul Bertrand.
-
- Le Petit Barrage, situé en aval du premier et au droit de la porte de
fer qui ferme le chemin d'accès au grand barrage, fut donc construit
à la suite par la même entreprise.
-
- Enfin pour améliorer la qualité de l'eau alimentant les fontaines de
la ville, il fut décidé dans la séance du Conseil du 02-11-1895
(D89, p.387) d'établir une masse filtrante de moëllons et gravier
entre les 2 barrages.
- L'ensemble des travaux avait coûté :
-
- Etudes préliminaires 500,00
- Première tranche (canalisations) 12 600,00
- Barrage des Peiròu 17 500,00
- Masse filtrante 1 700,00
- ––––––––
- soit un total de 32 300,00 francs
-
- couverts à plus de 55 % par les subventions du Conseil Général et
de l'Etat.
-
-
- Nous pourrions en rester là, après avoir retracé ainsi l'histoire
et la genèse du barrage des Peiròu, non sans rendre hommage à Emile
Daillan qui a su réaliser au cours de ses mandats successifs de ces 10
années (1881-1891) cet ouvrage qui fut si longtemps et reste encore
utile aux Saint Remois. Il eut la joie de le voir se terminer et mourut
l'année suivante en 1892.
- Mais, si le barrage a son histoire que nous venons de relater, le site
dans lequel il a été construit en a une, plus prestigieuse encore,
qu'il convient de ne pas oublier.
-
- Les noms successifs des lieux traversés par les eaux du barrage sont
déjà évocateurs d'un passé lointain :
-
- – Le Vallon de Gros porte le nom d'une vieille famille Saint
Rémoise, qui possédait déjà, au 17ème siècle, les terres et le
mas du même nom situés en amont du barrage. On en trouve successivement
propriétaires :
- Louis Gros & Marie Fabre, Jean Gros & Catherine Giraudon,
mariés en 1711, Louis Gros & Magdeleine Ferrier, mariés vers
1759, Joseph Gros & Anne Moulin et enfin Jean-Pierre Gros &
Elisabeth Deville, mariés en 1853.
-
- – Le Vallon de la Baume est un autre nom du même vallon, dû
à la présence d'une baume ou grotte située rive droite, à quelques
dizaines de mètres en amont du barrage. Aujourd'hui elle est presque
totalement submergée par les eaux.
- L'entrée de ce vallon de Gros ou de la Baume a inspiré les artistes
:
-
- Esprit Calvet, le savant médecin avignonnais, ne pouvait
s'empêcher d'écrire en 1765 en commentaire d'un dessin des lieux :
- " C'est la vue de l'ancien étang en sortant de la gorge. Le jour
est assez sombre dans cette gorge. Quand on en sort, on aperçoit
brusquement la grande montagne. L'après-midi lorsqu'elle est
éclairée par le soleil couchant, c'est une espèce de coup de
théâtre. Je n'ai pas vu de spectacle plus frappant ni de plus
majestueux. "
-
- Marius Girard en fit un dessin avant la construction du
barrage, publié par M. Marcel Bonnet en 1977 dans le programme des
Fêtes du 1er Mai.
-
- Frédéric George en prit une très belle photographie à la
même époque (collection Marcel Bonnet, photo ci-jointe).
- Enfin, un photographe anonyme prit, sous le même angle, une
vue du site après la construction du barrage, et, semble-t-il, avant
la mise en place de la masse filtrante, donc entre 1891 et 1895, et, en
tous cas, avant le décès de Marius Girard (1906) qui la conserva dans
ses collections (aujourd'hui dans le fonds du Musée des
Alpilles-Pierre de Brun, voir photo ci-jointe).
- – La Gorge des Peiròu, en aval du barrage, a été creusée
par les eaux dans les calcaires durs de l'urgonien qui forment la
barrière nord de cette partie des Alpilles. Elle doit son nom aux
peiròu ou chaudrons qui ont été creusés par le tourbillonnement des
eaux chargées de sable et de galets. Esprit Calvet ajoute à
son sujet :
-
- " Excepté dans le fort de l'été, il y a toujours de l'eau dans
la gorge, elle vient des fontaines qui sont dans le lieu même. "
-
- En décembre 1889, Vincent Van Gogh a peint et restitué à nos
yeux en deux magnifiques tableaux (catalogue de la Faille N°661 et
662) la sortie de la gorge avec ses peiròu dans le lit du torrent. Ce
fut Jean Baltus, qui le premier identifia ce lieu peint par Van
Gogh, grâce à la montagne du fond qui n'est autre que la falaise
bordant la rive gauche de la gorge (voir photos).
-
- – Le Gaudre du Rougadou est le nom pris par le torrent dans
la partie encore à forte pente qui le mène dans la plaine Saint
Remoise. Cette dénomination provient certainement de la présence d'un
rougadou ou oratoire qui se trouvait à proximité du gaudre.
-
- – Enfin, le Gaudre de Jonquerolles en est la partie basse,
lorsqu'il traverse le quartier du même nom, avant d'être récupéré
par divers canaux qui le mènent au Vigueirat.
-
-
- Mais, il nous faut remonter encore plus loin dans le passé, à
l'époque de Glanum, pour retrouver les habitants du lieu dans les
mêmes dispositions que les Saint Remois il y a 100 ans. En effet, ils
construisaient un barrage et, à quelques mètres près, au même
endroit !
-
- Le premier témoignage qui nous en a été donné, est celui d'Esprit
Calvet que nous avons déjà cité plus haut, et qui, outre ses talents
de médecin, était passionné d'archéologie. Il était depuis de
longues années en relation avec Anne Claude de Tubières, comte de
Caylus, membre influent de l'Académie royale des Inscriptions, qu'il
avait eu l'occasion de soigner et qui le fit nommer membre
correspondant de cette Académie en 1763, à la suite de recherches
qu'il lui avait confiées de dessins d'antiquités de Pierre Mignard,
où figuraient, en particulier, les Antiques de Saint Remy.
- Dans la nombreuse correspondance qu'échangèrent ces deux savants, le
barrage romain des Peiròu est largement évoqué de 1763 à 1765.
- Fernand Benoit en a déjà fait état en 1935 dans un article
intitulé Le barrage et l'aqueduc romains de Saint Remy en Provence
paru dans la revue des Etudes Anciennes (Tome 37, N°3,
Juillet-Septembre 1935, p.331).
- D'après Esprit Calvet, le barrage était ancré dans le rocher à
l'aide de 2 larges entailles faites de chaque côté de la gorge.
Celles d'amont avaient 3 pieds de large (environ 1 m.) et celles d'aval
4 pieds, l'intervalle entre les 2 entailles étant de 5 pieds.
-
- Les rainures d'aval ont été presqu'entièrement recouvertes par la
nouvelle construction et celles d'amont le sont par les eaux, ne
laissant voir que le sommet de la rainure de la rive droite.
-
- Un double système de canalisations, que l'on peut suivre sur quelques
centaines de mètres conduisait les eaux vers Glanum.
- Le premier forme un sentier à faible pente taillé dans le roc en
suivant les sinuosités de la montagne. Par endroit il est taillé en
auge, non pas pour le passage des eaux, mais plus probablement pour
retenir des tuyaux de plomb.
- Le second procède d'une autre technique. Des entailles ont été
faites dans le roc pour servir de base à un aqueduc aérien.
Parallèle au premier et le touchant presque, il s'en écarte seulement
et d'une manière importante pour s'éloigner d'une face et d'un
couloir d'éboulis, qui devaient endommager la première canalisation.
Ils se rejoignent ensuite pour traverser (sans laisser de trace) un
vallon et on les retrouve tous les deux sur l'ancien sentier qui
menaient des fouilles de Glanum au barrage en s'élevant
progressivement au-dessus de la gorge des Piròu.
-
- L'absence de restes de mortier, aussi bien dans les rainures du site
du barrage que dans les entailles de la canalisation, sema le doute
parmi les archéologues.
- En particulier, Isidore Gilles affirma dans son ouvrage Marius et
Jules César - Leurs monuments dans la Gaule, paru en 1871 :
-
- " Ce travail, à peine commencé lorsque Marius quitta le camp de
Glanum, fut abandonné en l'état où nous le voyons, malgré
l'affirmation contraire de quelques écrivains. " (M. de Lagoy, M.
de Gasparin)
-
- Mais vers 1885, Hector Nicolas étudia les fossiles des Alpilles et
publia en 1888, dans les Mémoires de l'Académie de Vaucluse, le
compte-rendu de ses travaux, où il indique:
-
- " Mes incertitudes disparurent en étudiant un tout petit dépôt
vaseux situé à quelques 20 mètres à l'amont des grandes rainures et
à une hauteur suffisante pour résoudre la question.
- Ce limon, bien au-dessus des eaux qui coullent encore sur le roc,
contenait une foule de coquilles lacustres, telles que planorbes,
limnés, physes et autres certainement qui vivent dans les eaux
stagnantes ou à faible courant.
- Cette découverte, pour si insignifiante qu'elle paraisse, ne vient
pas moins confirmer l'existence d'une accumulation d'eau, où sont
nées et où se sont développées les espèces de coquilles que j'ai
rencontrées dans ces alluvions lentement formés en amont par
l'élévation des eaux du ravin, et elles sont si caractéristiques
qu'aujourd'hui, bien que le ruisseau ait son libre écoulement, on les
chercherait en vain dans ce courant, contraire à leur habitat. "
- L'argument était irréfutable, et Isidore Gilles, après l'avoir
reconnu de façon peu claire en 1890 dans son article Glanum, Saint
Remy de Provence, publié dans les Mémoires de l'Académie de
Vaucluse, disait franchement en 1897, dans son Pays d'Arles
(Tome 2, p.343):
-
- " Nous nous trompions ainsi que nous l'avons reconnu. "
-
- Pour expliquer l'absence de mortier, Hector Nicolas émit l'hypothèse
de constructions en bois pour la seconde canalisation, parfaitement
plausible par la présence d'entailles dont les positions
correspondraient à l'adjonction de contreforts dans des parties
courbes de la construction.
- Il donne la même explication pour le barrage lui-même qui aurait
été constitué de deux murailles de troncs d'arbre engagés dans les
rainures, avec bourrage de terre entre les deux.
- Cela ne nous séduit guère et il vaudrait mieux rejoindre l'opinion
de N. Schnitter Reinhardt qui, dans les Dossiers de l'Archéologie
(N°38, Octobre-Novembre 1979), se basant, sans le citer sur les
descriptions d'Esprit Calvet, concluait à l'existence d'un barrage
voute nécessairement construit en pierre avec noyau intermédiaire de
terre assurant l'étanchéité, ce qui nous semble plus logique pour la
solidité de l'ouvrage.
-
- Pour terminer et en fêtant, sans doute, le bimillénaire de
l'ancêtre du barrage des Peiròu, rendons hommage à la claivoyance
d'Esprit Calvet, qui ajoutait en terminant sa description adressée au
Comte de Caylus:
-
- "... il n'en coûterait pas deux mille écus pour remettre les
choses dans l'ancien état. Je l'ay dit et répété aux chefs du pays,
ils n'y veulent rien entendre. "
-