- Les commerçants grecs surent profiter du génie rural de leur amis
salyens et prolongèrent les canalisations pour alimenter la nouvelle " GLANON ".
- La romanisation amplifiât le besoin d’eau . Si, par le temple
qu’il fit édifier prés de la source sacrée, Agrippa imposa
" Valetudo " comme
protectrice de la santé, la substituant aux dieux protecteurs
régionaux, ses ingénieurs romains allèrent chercher une eau nouvelle
où elle se trouvait naturellement et en plus grande abondance :
dans le troisième vallon de Glanum, à l’ouest. Ils surent résoudre
le problème posé : assurer un débit régulier de tous les
instants grâce à une source, certes abondante, mais dont l’abondance
avait ses limites et la régularité pouvait être incertaine, surtout
en été. Déjà le trop d’eau des orages évacué par les
" gaudres "et le trop peu des mois chauds devaient
être maîtrisés. La source alimentait un ruisseau qui franchissait
une gorge étroite. Si on parvenait à barrer ce passage étroit, on
pourrait créer, par un lac artificiel, une réserve d’eau
régulière et abondante toute l’année. C’est ainsi que le génie
des ingénieurs romains créa, dans la gorge des " Pirou ",
le premier barrage voûte connu de l’histoire des techniques pour
servir à Glanum une eau saine, abondante et régulière.(Ce premier
barrage sera suivi d’un second, construit par les saint-remois
quelques 2000 ans plus tard). L’eau était acheminée jusqu’à la
cité par un élégant aqueduc qui suivait savamment les courbes de
niveaux et dont les restes témoignent d’un travail tout de
précisions et de calculs savants pour que l’eau puisse suivre une
pente régulière et arriver aux fontaines et aux lieux de distribution
par un canal aux dimensions précises et adéquates. Cela se passait au
temps lointains de l’Empereur Auguste. Là encore nos amis
archéologues surent nous expliquer et faire comprendre ce grand
témoignage d’il y a quelques 20 siècles.
- En ces temps, Arles venait de se construire et Glanum de se
reconstruire, car César avait peu apprécié que Glanum,
alliée de Marseille, se soit retrouvée du coté de Pompée.
Opposés dans cette guerre civile, les deux antagonistes ne se firent
pas de cadeaux et l’hellénistique " Glanon "
subit la destruction du vainqueur. Glanum se romanisât. Nous
venons de voir l’œuvre des ingénieurs romains à Glanum. En Arles,
on peut imaginer que la 6° légion romaine chargée de ces travaux
magnifiques de construction pensât que l’eau ne serait pas prise
dans le fleuve voisin car on avait besoin d’une eau claire et propre.
Elle dut penser naturellement aux Alpilles et à ses sources
secrètes. Le principe fut simple et ingénieux : de grandes
sources, comme pour Nîmes, point. Les travaux colossaux tels
ceux du " pont du Gard " ne s’imposaient
guère. Nos ingénieurs romains surent s’emparer de toute une série
de petites sources, soigneusement enfermées dans une canalisation
méticuleusement construite suivant des dimensions évolutives
précises et une pente telle que le point de départ puisse permettre
une arrivée et un débit convenablement utilisable. Ces sources se
situaient sur les flancs nord et sud des Alpilles. Les aqueducs,
tantôt enterrés, tantôt aériens acheminaient l’eau ainsi
collectée au lieu dit de "Barbegal " où l’éminent
archéologue et historien Fernand Benoit retrouvât cette
magnifique meunerie industrielle, rare exemple connu de ces techniques
qui commencent à nous être révélées par des expositions
magistrales telles celle consacrée au printemps 2001, au Grand Palais,
à Paris, aux techniques découvertes dans les restes des cités
ensevelies sous les cendres du Vésuve dévastateur en 79 de notre
ère. Une de ces deux canalisations se dirigeait alors vers Arles qu’
elle alimentait en eau potable il y a donc là aussi environ 20
siècles. C’est nos amis Etienne Blanchet et Bernard de La
Comble qui nous révélèrent récemment ce qu’étaient ces
aqueducs. Cet éminent officier, né à Saint-Remy d’une bien
ancienne famille, sût utiliser son temps, devenu plus libre, à cette
œuvre de restitution, (sur le papier bien sûr et, hélas, que n’a-t-il
pu, pour notre immense satisfaction, reconstruire voûtes, arches,
bassins de décantation ou siphons permettant de surmonter les
obstacles qu’il nous présente avec tant de science, de réalisme et……de
modestie ; Bernard lui apporta son talent admirable
de photographe ).
- A cette époque encore, la vaste plaine qui s’étend au nord des Alpilles,
dans ce merveilleux pays encadré à l’est par la Durance,
rivière alpine à l’époque violente, sans frein, charriant sans trêve
les roches arrachées aux Alpes qu’elle transformait en galets,
tapissant nos craux de limons fertiles, et à l’ouest par le Rhône
puissant et majestueux, voie de communication sublime qui autorisât les
échanges et les commerces entre toutes ces populations bien isolées,
fût l’objet des soucis des hommes qui devaient nourrir des populations
de plus en plus nombreuses. On utilisât les cours encore incertains de la
Durance ( les nautes du Rhône et des marécages de Durance
appartenaient à la même compagnie). On construisît des quais, des
digues, des canaux pour assainir et, déjà, évacuer le trop plein d’eau
pour gagner à la culture le plus de terre possible et y installer les
vétérans des légions. Tel ancien de la 22° légion " RAPAX "
dût s’installer, après avoir rendu hommage aux Mères Glaniques ",
vers Graveson, Eyragues ou plus près au mas des Vérans, au
débouché d’une vallée venant du Sud où l’on découvrit, il y a
peu, une petite nécropole, ou encore plus près de Glanum dans l’"Ager
Fretensis " qui deviendra, selon toute probabilité, le
monastère de Saint-Paul de Mausole " ad radicem
montis Gausserii ". Toutes ces grandes " villae ",vastes
domaines d’exploitation agricole, avaient besoin d’eau mais aussi de
terres irrigables. La conquête du marais fût de toute évidence le
combat du soldat-paysan, puis du paysan tout court dont la mission
ancestrale fût de nourrir les cités. Quand il y a trop d’eau , il la
faut faire partir. Les drains sont connus depuis une antiquité lointaine.
Le principe du captage ou du drainage est le même : attirer l’eau
pour s’en servir ou pour l’évacuer .Le grand ingénieur romain Columelle, vivant sous le règne d’Auguste, donnait
les instructions suivantes pour l’assèchement " si humidus
erit " :si le sol est humide, il faudra faire des fossés
pour le dessécher et donner de l’écoulement aux eaux. On connaît deux
sortes de fossés : ceux qui sont cachés et ceux qui sont larges et
ouverts. Le paysan d’il y a 2000 ans suit déjà les instructions des
ingénieurs . La terre limoneuse de Rhône ou de Durance est
fertile. Et l’on bine et l’on creuse pour évacuer l’eau des
marécages, ces fameux " paluds " auxquels est
confrontée toute une population soucieuse d’étendre l’espace
agricole pour produire les céréales dont on a grand besoin(la meunerie
de Barbegal en témoigne) ainsi que les fruits provençaux qui
décorent encore l’arc de triomphe du plateau des Antiques. On
parvient alors à rendre utile ce limon fertile.
- On amène donc l’eau de l’Alpille où elle manque et on
commence à l’évacuer quand elle est trop abondante et donc gênante
dans la plaine. Le célèbre triangle d’or peut et doit nourrir toute
les populations qui y vivent mais aussi bien d’autres dans les cités
au loin.
- Que ce soit à cause de la Durance ou du Rhône, l’eau
doit être évacuée pour conquérir la terre nourricière. On creuse
donc les fossés d’évacuation d’eau. Le combat alternatif de l’homme
dans cette bataille de l’eau montre son ingéniosité si pas son
génie en perpétuel éveil pour trouver les solutions pratiques au
jour le jour, qui deviendront des solutions d’ensemble quand les
moyens sociaux, financiers et techniques permettront, par une vision
globale de créer de grands réseaux de " purge "
correspondant à des bassins naturels, l’un dirigé vers la Durance : " l’Anguillon "
l’autre vers le Rhône : " le Vigueirat ".
- Saint-Remy, Saint-Paul –de- Mausole , dépendent à un moment de
Mont-Majour. Cette Abbaye est sur son piton au dessus du marais des
Baux et d’Arles qui correspond d’ailleurs avec le
marécage nord. Elle a besoin de terres pour ses laboureurs, elle favorise
donc le départ de l’eau en trop. Elle donne l’exemple à tous ceux
qui dépendent d’elle et reprend de son mieux les vieilles techniques
romaines trop souvent oubliées. Les moines , les monastères, les
abbayes, furent les premières sociétés organisées en mesure de
concevoir des travaux d’intérêts généraux pour nourrir tout un petit
monde de plus en plus nombreux après les grands dépeuplements dus aux
destructions des invasions barbares. Ces " vidanges "
, d’ailleurs, recevront , au début tout au moins, les eaux en surplus
des canaux d’irrigation créés au 19° siècle .
- Le moyen-âge ne fût pas en reste. Il eut le souci d’assécher de
son mieux et de gagner le plus de terre possible sur le marais de Durance
et de Rhône : il fallait manger ! La célèbre et
bien aimée Reine Jeanne
doit peut-être sa popularité à ce qu’elle permis à ses paysans d’assécher
la plaine, de gagner ainsi des terres et de manger à sa faim.
- Jusqu’à nos jours la double nécessité :se procurer de l’eau
et évacuer le trop d’eau alla de pair. A la fin du seizième siècle
le grand ingénieur salonnais : Adam de Craponne fit
creuser le canal qui , irriguant la Crau, fit gagner des terres
arables en quantité. L’esprit au sud des Alpilles comme au
nord était bien , à travers l’eau, de gagner des terres pour
nourrir tout le monde. Et le nord-alpille ne fut pas en reste.
- En effet, le piedmont des Alpilles, au sud comme au nord,
était une terre de sécheresse. Là encore il fallût jouer sur le
trop d’eau et le pas assez d’eau. Dés le début du 17°siècle on
envisageât de rétablir en quelque sorte un ancien bras de Durance et
de creuser un canal au pied même de l’Alpille pour irriguer
les hautes terres sèches. Le canal devait donc naturellement faire la
jonction entre Durance et Rhône, d’Orgon à Saint-Gabriel.
Las, les difficultés administratives, financières et techniques
mirent du temps à être résolues. Ce n’est que le3 avril 1773 que Louis
XV approuva la délibération de l’assemblée de Provence
sous l’impulsion de Monseigneur de Boisgelin :une
somme importante était réservée pour la construction de ce canal
dont on fait commencer aussitôt les travaux. Un premier tronçon va
jusqu’à Orgon et une dérivation commence à irriguer le sud-alpille
dénommé Canal des Alpilles dés 1791, en fait seul la branche
méridionale fonctionne dans le cadre d’une association de communes
sous le vocable de l’œuvre générale du canal des alpilles
dés 1814, association qui se charge de l’entretien du canal et le
considère quelque peu comme son bien propre ce qui ne sera pas sans
créer de graves conflits par la suite lorsque d’autres sociétés
seront chargées des travaux des autres branches.
- Et le nord-alpille ? Le projet propre à cette partie est
approuvé en 1826, et les difficultés commencèrent. En effet l’adjudication
des travaux intervint 13 ans plus tard, en 1839, les travaux concernant
la branche de Saint-Remy s’achevèrent en 1850 et celle de Rognonas
en 1860 ! Pas moins de trois sociétés s’ épuisèrent pour
effectuer les travaux. Ce fut une construction " cahotique "
tant les intérêts furent opposés et les implications politiciennes
intempestives. Le Maire saint-remois Blain fît tout pour
activer les travaux et surmonter les obstacles de tous ordres car il
était à juste titre convaincu de l’intérêt primordial pour ses
concitoyens de l’usage agricole de cette eau, seule apte à apporter
une nouvelle richesse. Il fut soutenu par son conseil municipal qui
délibéra, modifia, rectifia et parvint à faire adopter la solution
" haute ", le plus possible, afin de gagner de la
terre productive.
- De 1840 à 1844 le projet fût géré par
la " Compagnie générale de dessèchement ".
Si en apparence le projet paraît simple il est en réalité très
complexe. Suivre, en gros, un ancien lit de la Durance n’est
pas si aisé. Ce que les ingénieurs romains durent résoudre en ponts
en fossés ou en souterrains pour construire leurs aqueducs au pied des
Alpilles pour conduire l’eau alimentaire à Arles, pour
tenir compte du relief, nos ingénieurs modernes ne furent pas mieux
lotis. Il fallût construire de nombreux ouvrages d’art pour passer
au dessus des gaudres, des routes, etc. De grandes difficultés
financières, le relevé par les ingénieurs conseil de graves
malfaçons font que la compagnie est déchue et le canal confié à un
nouvel adjudicataire : " la Compagnie du Canal des
Alpines " constituée par une société anglaise. Elle s’active,
on creuse, on dépasse la bifurcation Eyrague-Saint-Remy mais
les exigences de plus en plus importantes des propriétaires face aux
expropriations ralentissent considérablement les travaux . On
passe outre, ce qui provoque des conflits, des plaintes en justice, des
arbitrages : procédures qui prennent du temps et la machine se
grippe à nouveau d’autant plus que le temps se met de la partie. Les
orages de1847 sont une véritable catastrophe : les divers
chantiers n’étant pas systématiquement achevés, de nombreux
barrages de déblais se forment, l’eau furieuse des orages dévastent
les champs, emportent les remblais encore fragiles, bref un véritable
cataclysme dont les conséquences sont très graves tant sur le plan
technique que financier ce qui n’améliore pas le climat dégradé de
la confiance . L’agent voyer de Saint-Remy écrit en
novembre 1847 : " toutes les cataractes du ciel
semblaient ouvertes et une masse d’eau épouvantable couvrit les
terrains inférieurs. Les jardins placés entre le chemin de grande
communication n° 9 et les remparts d’Eyragues furent couverts
de cailloux et de sable sur une épaisseur de plus de un mètre .
Sur le talus, des oliviers arrachés vinrent se déposer… ".
L’incompréhension s’installe entre le conseil municipal
saint-remois et la compagnie. Les relations mauvaises, influencées par
les difficultés économiques générales du moment : banques,
chemins de fer, faillites graves en tous genres, vont en
empirant : les travaux s’arrêtent. Le conseiller du
gouvernement demande la déchéance de la compagnie qui est prononcée
le 17 Août 1848, déchéance confirmé par le Conseil d’Etat le 26
juin 1853 !!!!. Pour un peu d’eau que de déboires et de temps
perdu. Le paysan est de plus en plus sceptique d’autant que la
sécheresse de 1849 est lourde à supporter quand l’eau salvatrice
est si proche. Des esprits courageux et dynamiques se réunissent pour
former un syndicat afin de poursuivre les travaux une fois encore
arrêtés. Manque de technicité, manque de moyens, on arrive à peine
à relier ce que nous appelons " les chutes " au
pont de la route de Maussane entre Notre Dame de Pitié
et les arènes Coinon. Tout cela pour pouvoir utiliser l’eau.
L’ouvrage n’étant pas achevé il faut créer des dévidoirs en cas
d’excès d’eau. On pense n’introduire que l’eau strictement
nécessaire, ce qui est particulièrement difficile à réaliser, on
pense aussi à utiliser l’important réseau des gaudres au dessus
desquels on a du construire tant de ponts. Leur fonction naturelle n’est-elle
pas d’évacuer l’eau furieuse des orages ? ne vont-il pas
pouvoir évacuer le surplus paisible du canal ? On se résout à
accorder à la compagnie un nouveau délai car elle semble défendre l’intérêt
public contre les intérêt personnels. Mais la tache est
lourde :il lui faut achever la branche de Saint-Remy
à Saint-Gabriel, la branche d’Eyragues, construire la
branche de Noves et construire un prise d’eau à Rognonas
car la prise primitivement prévue à Mallemort risque d’être
insuffisante. La situation financière de la compagnie anglaise ne lui
permet pas de faire face à une telle besogne. On se met à bricoler
les années passant, on arrose deçi-delà en se fiant aux déverses
potentielles des gaudres en cas de surcroît d’eau . Finalement la
société anglaise est définitivement mise en déchéance.
- Il faudra attendre 1854 pour que la Compagnie Courtet soit
autorisée à reprendre le projet . Il faut d’abord reprendre toutes
les malfaçons qui se révèlent nombreuses et pallier le manque d’entretien :
maçonnerie, pentes, berges, ponts, aqueducs, martillières , digues,
etc… etc…etc. A la suite d’un gros orage tel que les Alpilles en
connaissent, le pont près du château Pélissier est emporté
au cours de l’été 1852. Enfin la branche d’Eyragues s’achève
par le déversoir dans le Réal à Chateaurenard puis dans le Vigueirat
démonstration à nouveau de l’alliance de la vidange et de l’irrigation.
Enfin en 1856 la branche du nord terminée, le tronçon allant du
bassin de partage à Saint-Remy jusqu’à Saint Gabriel
débouche dans le Vigueirat. Tout le réseau, même la branche
de Noves atteint le ravin de Villargelle qui conduit les eaux
dans l’Anguillon, est achevé en 1857.
- Après la fin des travaux vint le temps des disputes : violation
de propriétés, lutte entre la compagnie Courtet et le Vigueirat,
dommages et intérêts, arbitrages, jugements, appels…. !
- Cependant, malgré les difficultés de toutes sortes :
techniques, climatiques, financières, les méfiances aggravées par la
longueur des travaux, l’eau est enfin à la disposition d’une
population rurale qui connaîtra grâce à elle et malgré des hauts et
des bas une extraordinaire prospérité agricole jusqu’à une
période récente et fera connaître le renom du terroir saint-remois
dans le monde entier.
- En cette fin du 19° siècle, la préoccupation majeure de nos édiles
et de nos concitoyens continue d’être l’eau. Après les
tribulations engendrées par la construction du réseau d’irrigation
pour permettre l’exploitation des terres agricoles, on put se
consacrer à l’amélioration des réserves d’eau ménagère
disponibles à Saint-Remy. Il y avait bien des puits un peu
partout mais, l’été, nombreux étaient taris et le manque d’eau
ne permettait pas une hygiène collective et personnelle convenables.
Même si résignée, la population n’était pas satisfaite. Les
plaintes et les réclamations étaient de plus en plus fortes et
nombreuses. De fait, il était pratiquement impossible de laver la
ville et les bêtes de trait, les troupeaux laissaient des traces
nauséabondes. Les jours de marché, surtout du côté des
poissonniers, l’odeur était infecte.
- La réalisation, longue certes, presque 50 ans, du canal d’irrigation,
avait provoqué bien des inquiétudes, des analyses et des réflexions.
Mais on se sentait plus aguerris pour dominer de grands projets et donc
de les entreprendre. On réfléchit beaucoup, on disputa beaucoup, on
rêva encore plus et on fit un beau projet. Comment se présentait la
situation : des sources, il y en avait, mais chacune était
insuffisante, la conclusion petit à petit s’imposait : il
fallait un grande retenue d’eau provoquée par un barrage. On
chercha, encore et encore et on trouva un gaudre qui laissait s’écouler
l’eau d’une source abondante, le gaudre traversait une gorge
étroite, il suffirai de barrer la gorge par une muraille qui
arrêterait l’eau : et l’on aurait ainsi un petit lac,
réservoir artificiel à la disposition des saint-remois. Le gaudre
était le gaudre du mas de Gros qui franchissait l’Alpille
par la gorge du " Pirou ".
- Pour alimenter ses fontaines et donner de l’eau en plus grande
abondance à ses citoyens SainRemy décida de construire ce
barrage, dans cette gorge et à quelques mètres du lieu retenu pour l’antique
barrage, renouvelant ainsi l’histoire et l’expérience romaine de Glanum
prés de 2000 ans plus tard . Et le barrage fut réalisé.
- Les plans furent rapidement dessinés, chiffrés et dés 1884 une
subvention de 8217.83fut accordée pour assurer régulièrement l’alimentation
des fontaines publiques. Mais le ministre des travaux publics ne jugea pas
cette opération satisfaisante et s’opposa à la subvention. Le montage
financier pour une telle opération était complexe. On fit appel au
Conseil Général qui en Août 1885 marquât son intérêt pour l’opération
et inscrivît une somme de 1793.33 francs. Le Ministre de l’Agriculture
débloqua uns somme de 3500 francs, soit le tiers de l’enveloppe
nécessaire, estimée à 10400 francs. La nouvelle argumentation était
habile : il n’était plus question d’alimenter les fontaines
saint-remoises mais de tenter de mettre un terme aux dégâts provoqués
par les eaux d’orage qui corrodent les berges du vallon de Jonquerolles
et aussi de faire cesser les apports de terre et de graviers qui venaient
obstruer, dés son origine, le canal de dessèchement du Vigueirat
. On gardait en mémoire les dégâts causés par les orages pendant la
construction du Canal des Alpilles. On parvenait ainsi à élever
le débat et à prendre en compte l’intérêt de l’organisation
générale du maillage mis en place pour évacuer les trop-plein et
assainir la région. On fit modifier le plan d’origine pour obtenir un
mur voûte plus épais en vue de réduire la " résultante
oblique des pressions " .
- Le 22 octobre 1886 M. BONNET, conseiller d’arrondissement,
est chargé de l’enquête d’utilité publique. La
modification du dessin architectural en vue de remédier à la
" faiblesse de l’épine de stabilité"
entraîne des modifications financières. Le 27 avril 1887 le Conseil
Général accorde une nouvelle subvention de 3580 francs. Mais le
ministère annule la sienne en raison des restrictions de crédits
parlementaires.
-
- L’achat des terrains appartenant à la famille GROS
pour permettre l’édification du barrage aboutit le 1er.
avril 1890, lors d’une séance extraordinaire du Conseil Municipal
qui autorise le maire, Emile DAILLAN, à signer l’acquisition
pour 2 500 francs ( au lieu des 10 000 demandés ) avec
Madame Jean-Pierre GROS, née Elisabeth DEVILLE,
veuve depuis le 19 avril 1888. ( A cette date s’éteint le dernier
propriétaire du domaine portant le nom de GROS. Le mas
sera vendu à Bruno CHARRIN qui devra honorer par devant M°
Albert BLANC les obligations de Madame Jean-Pierre GROS
envers la municipalité). La surface acquise est de 1 hectare 79 ares
et 89 centiares. Le coût final du barrage est arrêté à 17 500
francs. Les subventions ministérielles sont rétablies et dés le 27
avril 1890 les travaux peuvent commencer. Ils sont menés rondement et
touchent à leur fin le 10 octobre 1891. Le coût est moins élevé que
prévu : il s’agit de 13823.35 francs. Le conseil décide que le
reliquat de 2676 francs sera utilisé pour la construction d’un
nouveau barrage, analogue au premier, mais seulement de 5 mètres 50 de
haut. Les avantages argumentaires sont les suivants : augmenter le
cubage d’eau disponible, barrer la gorge et empêcher les dépôts de
détritus et enfin diminuer la distance jusqu’à la conduite d’adduction.
C’est Paul BERTRAND, adjudicataire du 1er
barrage qui sera chargé de la construction du second. Lors du conseil
municipal du 28 décembre 1894 le maire, Pierre BARBIER, présente
un projet complémentaire au coût de 4855,20 francs pour réaliser les
nouveaux travaux suivants : instaurer une masse filtrante au petit
barrage, installer 5 fontaines (sur le plateau des Antiques et
sur la route de Maussane, 3 bouches d’arrosage sur la dite
route pour servir aux plantations plus des robinets-vannes
" de réglementation " en tête de la conduite et
sur les branchements.
- Tout ce travail des édiles saint-remois, suivant les différentes
municipalités, pendant 12 ans, de 1883 à 1895, démontre leur
préoccupation en faveur de l’amélioration du cadre de vie de leurs
concitoyens. Ce travail ira de pair avec le soin apporté à fournir de
l’eau " jaillissante ",dans les
" faubourgs " par l’édification de fontaines
publiques.
- Lors de la session du 14 août 1847 le Conseil Municipal adopta les
propositions de son maire Joseph-Léon-Cloud BLAIN pour
édifier 2 fontaines : la fontaine de la Trinité et la
fontaine de la place d’Armes.
- Il est intéressant et remarquable de constater dans les comptes
rendus des séances du conseil municipal et dans les échanges de
lettres avec l’administration préfectorale, l’introduction de l’usage,
pendant la période de la 2° république de 1848, de réutiliser les
expressions révolutionnaires. Emile OLLIVIER,
préfet des Bouches du Rhône, Citoyen Commissaire du Gouvernement,( on
préfigure cette appellation qui fut remise à l’honneur en 1944 et
en 1981 après le succès de la gauche) s’adresse au citoyen
sous-préfet ou au citoyen maire et termine ses lettres par le
célèbre : " Salut et Fraternité ".
- Le maire Joseph-Léon-Cloud BLAIN déclare
donc le 14 août 1847 au Conseil Municipal que la fontaine de la place
d’Armes est nécessaire car " le faubourg au sud-ouest
de la ville manque d’eau pour les besoins domestiques ;….. les
puits y tarissent à l’époque des grandes chaleurs et …..il y
aurait nécessité de chercher à trouver dans les terrains au midi une
source assez abondante pour fournir à une fontaine jaillissante sur la
place d’Armes qui est au centre de ce faubourg. On pourvoirait non
seulement à un indispensable besoin mais cette fontaine serait encore
un ornement pour la ville " . Un crédit de 300 francs est
alors voté pour effectuer les sondages nécessaires.
- Le 6 avril 1848, le citoyen Joseph-Antoine BERNARD,
maire provisoire, fait voter un crédit de 3 000 francs pour ouvrir un
atelier national de travail pour secourir " les malheureux
inoccupés que les circonstances fort graves recommandent à la
sollicitude de l’administration ". Le citoyen maire propose
de diriger les ouvriers sur les premiers travaux depuis longtemps
réclamés pour l’établissement d’une fontaine sur la place d’Armes.
Le 3 mai, le citoyen Emile OLLIVIER, commissaire du
Gouvernement, approuve et autorise le projet " pour établir
un atelier de charité à l’effet de subvenir aux besoins de la
classe indigente…. Salut et Fraternité. " . Le 3 août
1848, le citoyen maire André Marie Toussaint PELLISIER, présente
un surcoût du projet de 2 697 francs pour couvrir les dépenses
" de tuyaux en poterie la couverture de l’aqueduc ainsi
que les ornements de la fontaine "( ils apparaissent pour 400
francs).Le Conseil adopte les propositions du citoyen maire,
considérant que : cela sert à l’agrément et l’embellissement
du faubourg et que si les travaux ne sont pas terminés, tout est
perdu, la route de Notre-Dame reste impraticable, l’état des
dépenses et des recettes de la commune le permet, il y a donc lieu de
voter une somme de 2 697 francs pour la construction d’une fontaine
sur la place d’Armes par un atelier national. Il est important d’obtenir
l’accord du citoyen commissaire du gouvernement " pour ne
pas laisser chômer les ouvriers qui ont besoin de travailler pour
soutenir leurs familles ". L’accord sera donné le 17
août1848.
- C’est ainsi que cette fontaine, détruite malheureusement en 1931,
fut le produit de la volonté populaire de la seconde république d’assainir
le faubourg, d’être donc utile aux populations modestes et de lutter
efficacement contre le chômage. " SALUT et FRATERNITE ".
- L’histoire de la fontaine de la Trinité est plus longue,
plus difficile et l’administration retrouve sa lenteur et perd,
peut-être, de sa sollicitude.
- Elle débute au cours de la même séance du Conseil Municipal du 14
août 1847. Le maire Joseph-Léon-Cloud BLAIN
développe cet argumentaire : " le faubourg à l’est
…..traversé par la route royale d’Orgon devrait aussi( la
proposition fait suite à celle concernant la fontaine de la place d’Armes)
être pourvu d’une fontaine jaillissante. Les puits y sont rares et
le besoin d’une quantité d’eau suffisante pour les besoins
domestiques s’y fait sentir principalement pendant les grandes
chaleurs ". En raison de la situation financière la
construction d’une fontaine est écartée mais on retient l’idée
qu’il est indispensable de creuser un puits sur lequel on
installerait une pompe et qui se situerait en face de l’ancienne
église de la Trinité qui " sert actuellement
de dépôt de fourrage ". Un crédit de 150 francs est voté . Le
17 juin 1848, l’ingénieur de l’arrondissement d’Arles rappelle
au citoyen maire que seul " le citoyen commissaire du
gouvernement peut autoriser le creusement d’un puits. Salut et
Fraternité. ".Rapide, le dit citoyen commissaire
donne l’autorisation le 9 septembre 1848. Le temps passe car on est
à la recherche de la meilleure solution qui semble être la source
privée de l’hôtel de la " Graille ". La
propriété étant en vente, l’architecte Joseph Girard propose
que le lot concernant la fontaine-réservoir située dans le jardin, d’une
valeur de 1 200 francs, soit séparé des autres lots. Les sommes
couvrant les dépenses des tuyaux et l’achat de la source sont
inscrites au budget primitif de 1857, soit 10 ans après la prise de
décision concernant cette fontaine. Hélas, la vente n’a pas lieu.
Il est alors décidé de reporter ces sommes, plus 2 000 francs, au
budget supplémentaire de 1858 en vue de " la construction d’une
fontaine au quartier de la Trinité pour assurer les voies et
les moyens nécessaires à son exécution ". Mais le projet doit
être abandonné car la " Graille ", vendue
enfin, a un nouveau propriétaire qui ne veut rien céder à la mairie.
On revient donc au début du projet : sondage pour trouver une
source suffisante. On trouve de l’eau, certes, mais on est sur l’argile
noire et le débit est nettement insuffisant. On procède, sans se
décourager, à un nouveau sondage au " Valat neuf ".
Enfin l’eau est belle et très abondante dés 2 mètres 50. Le
surcoût est évident. En effet on a sonder 2 fois, la distance est 4
fois supérieure , l’aqueduc 3 fois plus important, les tuyaux 5
fois. La nouvelle estimation atteint 3 914,44 francs . Le montage
financier s’équilibre entre les fonds libres et des reports sur le
budget supplémentaire de 1859.
- Au cours de la séance du Conseil Municipal du 7 février 1859, le
maire Jean-François CLAVEL présente le
projet définitif, complet et certes plus coûteux. La commune dispose
d’un excédant de recette important :
- 8 971 francs , le devis , complet a donc évolué. Le puits creusé,
on devra consacrer 6 457.04 francs pour la conduite et l’aqueduc, 1
637.96 francs pour le monument lui-même. On se met d’accord et on
confie l’ensemble du projet à un seul entrepreneur. Le 12 avril1859
le cahier des charges, élaboré par l’architecte Joseph GIRARD,
est adopté par le Conseil Municipal et le 18 mai 1859 l’adjudicataire,
Paul MAURON, est en mesure de commencer les
travaux qui dureront environ un an, la réception définitive ayant
lieu le 28 juin 1860. La dépense totale aura été de 8 282 francs et
83 centimes.
- Cette fontaine de la Trinité sera démontée en 1938 car la
circulation devenait difficile et il fallut laisser la place aux
véhicules de toutes sortes, les sens uniques de circulation n’ayant
pas encore été instaurés.
- Cette belle fontaine n’aura vécu que 78 ans. Il ne nous reste donc
plus rien de ces embellissements réalisés par nos ancêtres au 19°
siècle, à part la fontaine de la place de la Mairie dont les
saints-remois étaient si fiers et la fontaine
" Nostradamus ". En effet la fontaine du Planet est
la plus récente et date du début du 20° siècle.