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- BARRAGE ET AQUEDUC ROMAINS DE SAINT-RÉMY
cheuse et sa diversité de coupe ne permettent pas d'y voir un
canal, mais bien plutôt la plate-forme supportant une conduite de
poterie, ou plutôt de plomb, comme nous le verrons tout à l'heure.
En effet, large à peinte de 0 m 25 dans la gorge et muni
d'un rebord, ménagé lors de sa taille dans la paroi verticale du
rocher (en vue certainement de maintenir la conduite), il ne
possède, en général, plus de rebord dans les parties de pente
rocheuse moins abrupte et se présente comme une simple plate-forme
faite pour supporter un canal; l'absence de toute trace de béton
dans les failles et l'étroitesse même du conduit ne permettent pas
de penser à un radier bâti 1.
En outre, le canal est doublé, dans la première partie de son
trajet, dans la gorge, par une succession d'entailles creusées dans
le roc, à une distance assez régulière, mais à des niveaux
différents; Calvet avait relevé soigneusement ces entailles, qui
mesurent environ 0 m 60 de longueur et dont
quelques-unes sont aujourd'hui au ras de l'eau qui occupe le fond de
la gorge; il pensait qu'elles servaient à établir une galerie de
bois " qui devoit régner le long du canal afin de le netoyer
". Mais si, dans la première partie du canal, elles sont en
bordure de celui-ci (il ne pouvait en être autrement, la paroi de
rocher étant presque verticale), elles s'en éloignent au sortir de
la gorge, comme si le tracé des deux travaux était indépendant,
et, par contre, au passage de la croupe voisine, elles sont
exactement situées, dans une dépression, sous le tracé de
l'aqueduc. Il apparaît donc que, dans la seconde partie de son
trajet, elles ont servi à dresser des étais, de pierre ou de bois,
servant à soutenir le canal, tandis que, dans la première partie,
elles devaient avoir été utilisées pour supporter l'aqueduc,
avant que fût entaillée la paroi du rocher, qui donnait à cette
oeuvre une base plus solide. Il est donc possible que les étais
encastrés dans ces encoches aient été de bois.
Le point d'arrivée de l'aqueduc à Saint-Rémy n'est pas visible ;
il franchissait sans doute le vallon qui précède
immédiatement la route de Maussane sur une construction de
pierre assez élevée qui a totalement disparu, la construction
de la route en remblai, il y a un siècle, ayant dû
utiliser tous les vestiges de bâtisse des envi-rons. Peut-être
faut-il reconnaître cet aqueduc dans la description que fait,
en 1784, le P. Dumont, antiquaire arlésien fort averti, de
1. L'aqueduc de Saint-Jean-de-Gargier, (?) présente. une entaille
analogue au pont des Tompines (Saint-Pons-de-Géménos).
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canaux qui se dirigeaient vers un édifice voisin du monument
dégagé par les fouilles, situé immédiatement au sud des thermes,
et naguère désigné sous le nom de temple de Silvain 1
: " A peu de distance, au levant d'hiver des deux monuments
[arc et mausolée], on voit les substructions de deux côtés à
angle droit d'un très grand et solide édifice carré, à grandes
niches en saillie, rectangulaires et demi-circulaires [l'abside de
l'ouest], en petites pierres parallélogrammes. Ces restes
paroissent annoncer des thermes par leur plan et par les trois
aqueducs qui, venant de la montagne, pénètrent dans un mur voisin
à 17 ou 18 pieds l'un de l'autre (5 m 50 à 6 mètres) ; deux de
ces conduits, qui pourraient être les branches de la même eau, ont
chacun 11o10 [1l pouces 10 lignes] de hauteur et 13o
de largeur; le troisième, enterré en plus grande partie, a 2 pieds
4o de largeur. La construction de ce mur est semblable à
celle des thermes et pourrait en être le réservoir, qui selon
l'usage se mettait en dehors, pour rie pas occuper inutilement une
place dans l'édifice, dont les souterrains étaient destinés aux
bains et le dessus aux exercices de l'esprit et du corps 2.
"
Ainsi le P. Dumont parait-il signaler un bâtiment aujourd'hui
disparu, situé au sud-ouest des thermes, à l'emplacement de la
route, dont l'appareil était semblable à celui de l'édifice
à abside, et dont il fait une dépendance des thermes; il est
intéressant de noter qu'il situait assez exactement ceux-ci,
qui étaient alors invisibles, puisque leurs murs sont arasés à un
niveau inférieur au talus. L'identification de ce bâtiment avec un
réservoir est d'autant plus à retenir que c'est précisément
à l'angle sud-ouest des thermes que M. de Brun a découvert,
en dégageant ceux-ci, des fragments de tuyaux de plomb
soudés entre eux et, par conséquent, en place, dans une direction
qui est celle du point d'arrivée présumé de l'aqueduc de la
Baume et du réservoir du P. Dumont. De petit dia-mètre (0 m
042 sur 0 m 030 environ d'ouverture
intérieure), mais fort épais, ce qui est un indice de leur
ancienneté, trois d'entre eux portent la marque de
MARTIALIS, en beaux caractères inscrits dans un cartouche 3,
qui paraît être du 1er siècle. Ce seraient donc là
des dérivations d'un aqueduc plus important dont le déblaiement
des
1. On trouvera le plan de cet édifice et celui des Thermes qui
sont adossés à sa face nord, dégagés depuis peu, sous. 1a
direction de M. J. Formigê, dans H. Rolland, Saint-Rémy,
Bergerac, 1934, p. 63 et 69.
2. P. Dumont, Notes manuscrites, bibl. d'Arles, ms. 601, IV,
183. Cf. F. Benoit, Le P. Dumont, dans Mém. de l'Institut
histor. de Proveme, 1934, p. 104.
3. T. F. MART. F. et MARTIAL. FEC.
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terrains de part et d'autre de la route ferait peut-être retrouver
les vestiges, avec quelque reste du réservoir.
La découverte de ces tuyaux permet, en outre, de penser que le
conduit qui amenait les eaux du barrage à travers la montagne
était constitué par des tuyaux de plomb, d'un diamètre plus
grand, analogues à ceux qui ont été trouvés en Arles et dans le
lit du Rhône (aqueduc de Trinquetaille) 1 ; on sait que
de telles conduites étaient fréquentes pour l'alimentation en eau
des villes romaines de Provence 2 . Le diamètre de ceux
d'Arles, qui n'excède pas 0 m 20 aux renflements des
points de soudure, correspond bien à la largeur du caniveau taillé
dans le roc, et c'est, au reste, la seule solution que permette
d'envisager le tracé sinueux de la plate-forme, que n'aurait pu
épouser un canal rigide formé de tuyaux de terre cuite.
L'aqueduc et le barrage de Saint-Rémy, qui, nous l'avons vu,
n'était pas unique, constituent donc une oeuvre importante de
l'hydraulique romaine en Provence. Leur signalement a d'autant plus
d'intérêt qu'une fois encore on remarquera que les ingénieurs
modernes, selon l'observation d'Adrien Blanchet 3, n'ont
eu qu'à relever les murs du barrage ancien pour alimenter en eau la
ville de Saint-Rémy.
Fernand BENOIT.
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DESCRIPTION DE, L'ÉCLUSE ANTIQUE DE SAINT-RÉMY
PAR ESPRIT CALVET (1765) 4
... Ces montagnes s'ouvrent du côté de l'ancien Glanum par
une gorge extrêmement étroite qui s'élargit un peu à mesure
qu'on avance vers l'ancien lac. Les Romains sceurent profiter
admirablement de ce que leur offre la nature pour se procurer les
plus grands avantages. Je vous avoue que je ne les ay jamais
trouvés plus grands que dans ce travail. A l'entrée de la gorge
des montagnes, du côté de l'étang, on voit de chaque côté deux
embrasures taillées dans le roc pour soutenir deux martelières
l'une devant l'autre ; contre les deux embrasures les plus
éloignées de l'étang est un reste de bâtisse antique qui
soutenait la se-conde martelière ; cette bâtisse se distingue à
peine du rocher. Les pre-
1. Les conduits arlésiens ont un diamètre intérieur de 100 mm .sur
80 environ, en profil d'amande, comme ceux de Saint-Rémy.
2. Corpus, XII, 5701. La marque de Saint-Rémy est inédite.
3. Recherches sur les aqueducs et les cloaques de 1a Gaule romaine, p.
1 et suiv.
4. Description " adressée au comte de Caylus qui se proposoit
d'en faire usage, lorsque la mort 1e prévint " : bibl. de
Marseille, Recueil de Calvet, t. II, ms. 1505 (Fb. 3), fol.
363 à 366,
avec 4 croquis et légende explicative.
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REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES
mières embrasures sont un peu avant la partie étroite de la gorge
; par ce moyen la martelière était encore soutenue par le rocher
postérieur.
Le long de la montagne, du côté gauche en regardant l'étang, est
un canal taillé dans le roc à la hauteur d'environ 3 toises ;
quand, au moyen des martelières fermées, les eaux de l'étang
étaient montées à cette hauteur, elles tomboient nécessairement
dans ce canal d'où elles étoient portées dans la ville. La
profondeur du canal dans les endroits conservés est d'un pied ; sa
largeur est de 10 pouces en haut et 6 pouces au fond. De distance en
distance du côté du canal et non de l'autre côté, on voit des
trous quarrés taillés dans le roc de 3 pieds de large ; ils sont
tous au-dessous du canal; ces trous me paroissent avoir été faits
pour soutenir une galerie de bois qui devait régner le long du
canal afin de pouvoir le netoyer.
L'embrasure pour la martelière du côté de l'étang a 4 pieds de
large la seconde embrasure a 3 pieds ; l'intervalle entre les deux
embrasures du même côté est de 4 pieds 6 pouces et dans d'autres
endroits de 5 pieds. La gorge se rétrécit à 10 pas ou environ de
la martelière. Le long de cette gorge coulent encore 2 ou 3 petites
fontaines ; pour y passer on est obligé de se cramponner sur le
rocher avec de grands risques ; il y en a plus encore à monter dans
le canal ; l'amour de l'antiquité donne des ailes.
Voilà les ouvrages romains que l'on voit encore de ce côté-là ;
ils sont près du tombeau et de l'arc de triomphe.
Par le moyen de ces martelières, les Romains retenaient les eaux
et formoient un vaste étang dans l'endroit où sont à présent de
mauvaises terres mal cultivées. Il leur en résultoit de grands
avantages :
1° Ils distribuoient à volonté des eaux abondantes dans leur
ville, principalement pour laver ;
2° Ils avoient du poisson en abondance ;
3° Ils se garantissoient des torrens qui tombent de ces montagnes
et qui dévastent aujourd'hui le territoire de Saint-Rémy.
Il n'en coûteroit pas deux mille écus pour remettre les choses
dans l'ancien état. Je l'ay dit et répété aux chefs du païs ;
ils n'y veulent, rien entendre.